Ce qui est potentiellement dangereux en mer, c’est l’éloignement en cas d’avaries et la hauteur des vagues capables de vous faire chavirer. La route par ce canal est donc pépère puisqu’elle nous en préserve.
Néanmoins, notre route de Floride à la Virginie nous a montré qu’elle a ses pièges et demande d’être à son affaire pour trois raisons principales :
Le passage des ponts
Les premières fois, on revérifie plusieurs fois les infos sur la hauteur du pont et du mât qui donnent inlassablement les mêmes chiffres. Les ponts fixes sont normés à 65 pieds, notre mât en fait 56. Do the math.
Et même si en théorie, ça passe, on a tendance à rentrer la tête dans les épaules quand la girouette approche la structure. Vision d’optique et sensations garanties sur facture.
Puis on s’habitue. Se succèdent joyeusement les ponts fixes, les ponts à double-bascule, les ponts à pivot, les ponts à haubans …et même une écluse en arrivant à Norfolk !
ça passe ? ça passe ???!!! ça paaaaaaaassse !!! ouf, ça passe …
D’après les guides Waterway Guide, 149 ponts jalonnent la partie atlantique de l’Intracoastal. À chaque passage, on s’annonce sur le canal 13 et on remercie le bridge tender dès qu’on est « clairs ».
La profondeur et les courants de marée
Il a fallu prendre notre élan avant de nous décider à nous lancer dans l’Intracoastal en Floride, le fait de naviguer avec si peu d’eau sous la coque étant nouveau pour nous.
Notre tirant d’eau est de 2 mètres et certains endroits sont dragués à 2,40m. à peine sur 15 mètres de large, sans compter les hauts-fonds qui se forment aux abords des passes.
Cela demande de prendre confiance et de se créer sa propre expérience pour apprécier s’il vaut mieux se lancer par dedans ou par dehors, par la mer, d’étape en étape.
Au final, tous les tronçons parcourus étaient bien entretenus et dragués aux profondeurs annoncées, voir plus. Seul le passage vers la bien nommée Little River au nord de Myrtle Beach nous a donné des sueurs froides, étant très, très étroite avec à peine 2 mètres d’eau indispensables.
Le plus « risky » fût à chaque fois de sortir du chenal pour aller ancrer.
On s’est échoués une fois, la quille plantée dans 1.70m d’eau sur un fond de boue au grand bonheur de Valentin qui a adoré l’intervention du zodiac de Sea Tow pour nous remorquer.
Pour nos compatriotes, Sea Tow est un peu le TCS des mers. Pour une cotisation annuelle de 100 $, ils vous sortent de bien des situations.
Les Coast Guards d’ailleurs leur délèguent toutes interventions où la vie humaine et les infractions légales ne sont pas en jeu.
Le calme apparent de la surface de l’eau dans le canal ne doit pas faire oublier qu’il est directement connecté à l’océan par ses inlets (passes) et que les courants de marées s’y ressentent parfois très fortement au passage des ponts et sur certains mouillages.
On a expérimenté 3 nœuds, mouillés dans le chenal de Fort-Pierce.
Restent les crabpots, ces bouées de pêche qu’on évite soigneusement pour ne pas y emmêler notre hélice. Certaines zones sont de vrais champs de mines.
Le trafic
Bien qu’il nous soit arrivé de naviguer une journée entière en ne croisant qu’un ou deux bateaux, le canal est animé par tout un panel d’embarcations et ça fait son charme :
Les Great Loopers
Motoristes fièrement perchés derrière leur barre, ces « coureurs de fond » s’envoient la boucle complète de 4’800 kilomètres. De bien jolis bateaux inspirés des bateaux de pêche traditionnels et largement adaptés à la plaisance.
Les Snow Birds
À la voile ou au moteur, ils remontent au pays entre avril et juin après un hiver au soleil. La migration suivante au départ du Canada suivra dès septembre.
Les Fishermen « loisir »
Sérieusement, ça pourrait être l’objet d’un article. Après le business et l’église, la pêche ! Du bord de la rivière, d’un canot ou d’un superyacht, hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, riches, pauvres, tout le monde pêche ! Et on n’exagère pas. Un blâme aux gros yachts qui font des vagues énormes derrière eux et se foutent bien de vous. Ils ont du poisson à choper.
Les Voileux
Voile légère ou magnifiques quillards Island Packet, on est dans une nation de marins et de navigateurs. On trouve toujours quelqu’un sur l’eau.
Les Liveaboards
Par choix, ou par précarité, enracinés en marina ou prenant plus ou moins soin de sa coque au mouillage, on voit de tout.
Les cargos
Poussez-vous ! On reste attentifs aux annonces sur le canal 16 car on préfère éviter de se retrouver nez-à-nez avec ces mastodontes dans un chenal de liaison avec la mer. Et encore plus dans les zones portuaires.
Les barges
Généralement tractées par des bateaux pilotes de 20’000 chevaux dans les zones portuaires, absolument pas manoeuvrantes et bien plus rapides qu’il n’y parait, on prie pour éviter de les croiser dans les chenaux étroits.
Les autorités
Coast Guards, Navy, Police, Harbour Master, ils sont partout. Par-tout !
Les mouillages et autres en pratique
Hormis un épisode qui a failli virer à la catastrophe sur le mouillage de Key West où un bateau a décroché sa bouée mal entretenue pour nous dériver dessus par 35 nœuds de vent, nous avons trouvé où s’ancrer tout au long de notre route de Key West à Norfolk dans des mouillages tout à fait valables.
L’accès à terre demande parfois de la recherche, certaines marinas couvrant jusqu’à 20 dollars par jour pour laisser son dinghy à quai ! Honte de rien.
Les boat ramps font très souvent l’affaire (de jour en tout cas, nous ne sortons pas la nuit). Le spectacle du 4×4 qui met son bateau à l’eau plaît toujours beaucoup à notre fils.
De là, nous utilisions des Uber pour aller faire nos courses chaque 2 semaines puisque les centres commerciaux sont souvent éloignés. Même technique pour aller échanger notre bouteille de gaz. Un système de dépôt initial permet d’aller en échanger une vide contre une pleine dans tous les supermarchés et stations d’essence de la côte.
Un nombre invraisemblable de marinas se trouvent tout le long du trajet. Toutes offrent des services impeccables pour amarrer le dinghy, vidanger les cuves (pas de blagues ! Gardez vos tickets de pump-out !), faire les pleins d’eau -potable- et d’essences, voir faire la lessive. Sinon les laveries automatiques sont très répandues et bon marché.
En route pour les formalités d’entrée à Key West. Venant de Cuba, on appréhendait les imprévus. En fait, les officiers du CBP ont été super accueillants. Bateau caca 😀 Jo en prise avec notre mouillage emmêlé. Un bateau a dérivé sur nous en entraînant sa bouée (sauvage) et bloque notre ligne.
Les cartes navionics sont super précises et les commentaires d’Active Captain bien utiles. Nous complétions nos informations en utilisant le site waterwayguide.com, très à jour, essentiellement pour relever les derniers dangers signalés, tel un haut-fond en formation, ou les actualités des ponts et écluses (fermés pour cause de maintenance par exemple).
Petit détail d’importance, nous avons opté pour un abonnement prépayé et avons eu du wifi quasiment partout sur notre trajet ce qui facilite tellement les recherches.
Pour certains inlets, il nous est même arrivé de donner un œil aux cartes de l’armée accessibles au public.
Au final, alors qu’ailleurs les informations actuelles peuvent être difficiles à trouver, ici c’est la surabondance et il s’agit d’être sélectif !
Last but not least, surtout ne pas oublier d’appeler les Customs and Border Protection à chaque déplacement lors de changement de zone d’un port d’entrée à un autre.