Première étape de notre route vers l’ouest, la République Dominicaine restera particulière pour nous puisqu’on y est arrivés depuis Saint-Martin, fiers comme des coqs, après notre première « grosse » navigation de 3 jours.
C’est sur sa côte sud, dans le petit village de Bayahibe, qu’on devait retrouver une floppée de grand-pères et de grand-mères puisque nos parents respectifs venaient nous y retrouver après presque 1 an sans s’être vus.
(… se retrouver sous les cocotiers, ça le fait aussi non ? 😀 )
La traversée de Saint-Martin jusqu’en RepDom était teintée d’excitation et d’appréhensions.
On a bien étudié notre météo et pris le parti de se mettre en route par le sud de Puerto Rico avec le moins de mer possible et juste ce qu’il faut de vent.
En pratique, la grosse partie de la route s’est déroulée dans une mer de 3 à 4 pieds de mer et du vent arrière variant entre 10 et 20 nœuds.
Côté administratif, sur radio ponton, nous avions eu des échos d’officiels dominicains corrompus et peu enclins à la discussion qui pourraient débarquer avec leurs grosses godasses sur notre petite coque. D’après les retours de nos copains Canadiens qui y sont passés, ça semble être vrai du côté de Luperon, au nord.
Par contre pour les suivants qui comme nous entrerons par le sud via La Romana, démystifions !
Le plus compliqué est peut-être d’ancrer dans un espace assez restreint sur un fond douteux dans le fleuve devant le poste de la marine. On m’a demandé de venir à terre.
J’ai effectivement eu à faire aux représentants de 6 bureaux différents (douanes, autorités portuaires, M-2, immigration …) et la paperasserie était un peu longue mais l’accueil fût respectueux et convivial.
Le fait d’être une capitana et d’hablar un poco de castellano a certainement bien aidé. Deux officiels seulement sont montés à bord pour une inspection succincte du voilier.
Trapus, baraqués et souples comme des piquets, la montée à bord maladroite depuis le dinghy aurait mérité d’être filmée… Donc à 200 billets près sans propiña (oui c’est cher, mais qui s’en offusque aux BVI ou aux Bahamas ?), tout a roulé.
On s’est cependant très vite rendu compte que la pratique de la voile et plus particulièrement de la plaisance ne fait pas partie des mœurs dominicaine. De manière générale, ici, on est plus familiers des bateaux à moteur bling bling.
Historiquement, c’est l’armée qui contrôle tout ce qui flotte et même les pêcheurs ont besoin de leur despacho pour sortir en mer.
Si les routes du narcotrafic passent effectivement sur le sud des îles des grandes Antilles (toujours selon radio ponton), ça se peut se justifier.
Il faut annoncer chaque mouvement du bateau aux autorités. L’expérience aura démontré qu’à part 1 ou 2 jeunes recrues zélées pas -mais alors vraiment pas …- dégourdies, tout a roulé en disant l’essentiel no màs, en souriant un peu et en patientant beaucoup.
Rouler prend un tout autre sens en parlant du mouillage de Bayahibe. Le mouillage exposé au sud est terriblement rouleur en moyenne 2 jours sur 3 (nos parents en ont courageusement mais douloureusement fait l’expérience 😀 … bravo à eux …).
On y était entouré d’anciens catamarans de courses de 60 pieds reconvertis en promène-couillons pour l’île de Saona.
À moins de naviguer sur un dériveur, impossible de s’approcher sans risquer les touchettes aves les patates de coraux ou/et les énormes catamarans.
C’est le bal tous les matins et tous les soirs : musique à fond, ils embarquent et débarquent leurs clients en chauffant les foules. Comiques certains jours, casse-pieds d’autres jours, et sonores dans tous les cas.
Pour le dinghy (rebaptisé « çavavite » au fait), on a pu s’arranger avec l’école de plongée du coin et le laisser à côté de leur rampe pendant nos virées à terre.
Concernant la sécurité du mouillage, les premiers jours, sans copains plaisanciers autour, étaient un peu flippants après un an aux Petites Antilles où ça fourmille et où on lance facilement la pioche au milieu de plein d’autres voiliers un peu partout à quelques exceptions près.
Qu’est-ce qu’on était contents quand d’autres monocoques, dont un compatriote, sont arrivés ensuite. On a observé que certains catamarans laissent un gars à bord pour la nuit.
Pour notre part, on a « nettoyé » le cockpit de Django et ne l’avons pas laissé sans surveillance plus de 24 heures.
À terre, Bayahibe a la réputation d’être une zone relativement safe (grâce à une seule route pour arriver au village qu’ils disent…).
C’est le petit village qui fait tout le charme de Bayahibe. On y trouve l’essentiel. Il est décalé de 2-3 km de l’énorme zone touristique colonisée par les chaînes hôtelières américaines.
Après le départ des parents, on s’est remis de nos émotions sur la belle et bien abritée île de Saona 2 jours.
Puis peu motivés par les embûches possibles d’une route par le nord direction Cuba (canal de la Mona qui peut être mauvais du fait de la topologie des fonds marins et des courants, escale à Luperon avec sa corruption, mer plus formée côté Atlantique bien qu’ayant plus de vent…), on a mis le cap sur Boca Chica et avons laissé notre Django en marina le temps d’aller voir les baleines dans la sublime baie de Samana.
L’escale aura permis de régler quelques boulots de rédaction pour moi et pour Jo de faire une vidange, poncer et vernir la table du cockpit, nettoyer la coque, etc.
Surtout, l’endroit était idéal pour faire l’avitaillement annuel de masse, avec des stocks pour notre passage à Cuba où cela s’annonce plus compliqué.
Quant à notre Valentin, c’était courses et vélo sur les pontons, détour quotidien pour aller regarder les machines du chantier naval, tours en dinghy, plage et place de jeu.
Le dimanche à Boca Chica …
… vaut vraiment le détour. C’est un peu le Pataya de la République Dominicaine, un gros bazar où se côtoient tout de sortes de gens, locaux et étrangers, pour consommer et faire la fête. Le jour du petit Jésus ici, on ne voit plus le sable tellement la foule est dense.
Musique à fond partout, broum broum en jetski, bal des bateaux moteurs avec les mamitas dans leurs maillots à paillettes à l’étrave, débarquement des glacières géantes et du matos dans un ballet bien rôdé pour les pique-niques familiaux qui ont de quoi être élevés au rang d’institution.
Par prudence et avouons aussi un peu par peur, nous avons peu fait d’efforts pour sortir des sentiers battus à terre. Du peu que nous ayons vu, les extrêmes entre grande pauvreté et richesse nous a mis sur le cul.
Notre excursion en ville de La Romana l’illustre assez bien. Ce jour-là, nous avions loué une voiture pour aller en ville acheter un téléphone portable (le nôtre est mort noyé…).
De la sortie d’autoroute, on passe par des quartiers vraiment pauvres. On faisait moyennement les malins au feu rouge, accrochés au volant de la taille d’un CD de notre Kia Picanto … Les laveurs de vitres nous repéraient à des kilomètres, surgissant et se ventousant sur notre pare-brise comme tombés du ciel avec un bandana sur la moitié du visage.
Le même jour, sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés sur le site touristique de Alto de Chavon.
À quelques minutes de ces mêmes bidonvilles, nous étions entrés dans une sorte de réserve indécente de milliers de mètres carrés de gazon taillé à la main et peuplée de luxueuses villas à l’américaine. Le terrain est en mains italiennes apparemment.
Délimitée par des kilomètres de barbelés, on joue au polo avant d’aller prendre un drink à la marina, marina qui soit dit en passant n’est clairement pas intéressée par les voiliers de voyageurs.
L’intérêt du lieu ce sont les ruines au sommet du site qui donne un joli point de vue sur le magnifique Rio Chavon.
Si un ou deux troufions recopiaient péniblement nos noms sur leurs formulaires, tous les dominicains par contre savent très bien compter et l’embrouille était au rendez-vous à chaque addition, l’erreur étant à chaque fois à leur avantage. C’est gonflant et mieux vaut donc être à son affaire.
On s’est sentis regardés comme des gringos priés de débourser. Cela n’a toutefois pas empêché quelques sympathiques discussions avec des locaux.
Dernière remarque, éducation helvète oblige, la saleté et les tonnes de déchets plastique partout, partout, partout … Cela en est presque culturel et on ne se l’explique pas.
On reste néanmoins sur une image d’une population super joyeuse et d’une terre fertile où tout est possible.
Mention spéciale pour la région de Samana avec son parc de Los Haitises et la route pour s’y rendre qui nous ont laissé sans voix, c’est superbe !