L’ancrage : comment donner des racines à des enfants en voyage ?


L’adage dit qu’on ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes. Toutes voiles dehors, nez au vent, j’assume avoir mis la priorité sur le déploiement en grand de nos ailes ces dernières années. Elles continuent de battre joyeusement loin de notre Suisse natale sans oublier d’où est-ce qu’on vient.

L’ancrage physique et géographique

Je reste attachée à « mon » Jura, à son relief doux, sa pierre calcaire, ses épicéas droits comme des i, ses pâturages vert tendre, son brouillard automnal à couper au couteau, ses plaines de champs de blé et de tournesols, à ses thermiques du soir sur le lac de Neuchâtel, et bien sûr aux apéros vin blanc-fromage-saucisson …

Ce qui fait pour moi la magie du voyage est justement l’expérience du ressenti lorsqu’on se laisse imprégner des ambiances et des énergies des paysages, des villes et populations. J’aime pratiquer une sorte de jeu intérieur pour faire des liens entre les caractéristiques de l’environnement et ce qui se ressent dans la mentalité des locaux, comme si l’environnement physique imprégnait ses habitants dans leur chair. Une sorte de mécanique géographique et humaine qui est fascinante à observer pour comprendre comment ça marche ailleurs.

Par exemple, la rudesse ou la chaleur d’un climat qui nous conditionnent jusque dans notre façon de bouger, de parler, de manger. Il impacte notre être intime jusque dans notre humeur, nos croyances.

À cela s’ajoutent l’histoire du pays, et les préoccupations passées, présentes et futures de chacun/e qui forgent une culture. Cet héritage culturel teinte notre éducation et nous équipe de qualités, de valeurs. Plus on se plonge dans l’inconnu, plus le voyage rebouille et nous renvoie avec une puissance inégalable à questionner notre propre fondement.

Cet Ailleurs serait compliqué à cerner sans avoir une base à laquelle se référer, se comparer. Savoir d’où l’on vient est indiscutablement une force pour savoir où est-ce qu’on se place sur la carte du monde et décider d’où est-ce qu’on veut aller.

Lorsque je songeais à avoir un enfant, ce socle géographique où l’on commence à se construire me semblait indiscutablement indispensable et relayait mes aspirations vagabondes à plus tard.

J’avais posé ma propre frontière comme un mur infranchissable qu’un ami, papa de plusieurs enfants, a fissuré. Au cours de notre discussion, il remarquait qu’un enfant trouvait d’abord ce socle, cet attachement, cette stabilité au sein du cocon familial. Merci à lui.

La suite se passe sur les salons nautiques et dans la coque de Django qui aura été notre premier cocon.

Qu’est-ce qui peuplera le monde des souvenirs de mon fils dans quelques années ? Je pense qu’il a emporté un petit bout de tout ce que l’on a vécu ensemble pour se construire, comme une mosaïque. Des Caraïbes, son goût pour la chaleur et pour marcher à pieds nus. Des USA, sa passion pour les supertankers et les fusées. De l’Amérique Centrale, son plat préféré qui est le gallo pinto.

L’ancrage émotionnel, temporel, familial et communautaire

Le bateau a l’avantage de réunir le meilleur des deux mondes : la possibilité de se déplacer tout en restant chez soi.

Comme expliqué, j’ai grandi sur le plancher des vaches. Bien que l’eau en tant qu’élément m’attire, déplacer mon chez moi sur quelque chose de mouvant n’est pas allé de soi.

Ce n’est qu’après le premier retour à terre en visite au pays que j’ai pris conscience que c’était sur notre voilier que je me sentais « chez moi ». Rentrer à la maison voulait dire retourner sur le bateau. Valentin également réclamait le retour à bord.

Cet épisode terrestre nous a permis de nous rendre compte que notre vie à tous les 3 était désormais à bord, ailleurs.

Le voyage devenait un mode de vie, un peu comme des nomades.

Au-delà de nos familles et amis, nous avions trouvé une nouvelle tribu auprès de famille de voyageurs, de boaters avec qui nous partagions désormais les mêmes considérations quotidiennes.

Où trouver le matériel pour réparer ceci ou cela, quelle route emprunter, quelle sera la prochaine escale ? Désormais nos déplacements étaient dictés par la Nature et la saison des ouragans.

Comment fêter Noël ?

J’avais lu quelque part l’importance des marqueurs temporels pendant l’année pour donner des repères aux enfants. Sauf que sous les tropiques, il y a 2 saisons, pas 4, et que décorer un cocotier, cela suggère des pensées plutôt éloignées de l’esprit de Noël tout Amour soit le petit Jésus…

Au fil du temps, nous avons créé notre propre calendrier avec ce qui nous amuse le plus. À part les anniversaires, nous fêtons Pâques, Halloween et Noël. On s’est fabriqué un sapin en coquillages, je bricole un calendrier de l’Avent maison et nous avons piqué le concept à nos copains du Québec du petit nain qui fait des farces pendant la nuit aussi en période de l’Avent.

Une dizaine de boatkids ont même fait un spectacle de Noël sur la plage d’Antigua en décembre dernier ! Pâques marche bien pour la chasse aux œufs bien que parfois ce soient ceux des tortues EN même temps, depuis quand les lapins font des œufs ?

Halloween est devenu incontournable pour les déguisements puisque c’est très populaire de ce côté de l’Atlantique. On se fait des crêpes au moins une fois par semaine, donc c’est Chandeleur toute l’année. Et le dimanche, c’est le jour de la glace.

Inventer nos rythmes et nos rituels

Au final, sortir du schéma semaine/week-end et 8h00/17h00 nous a permis de trouver un rythme familial, non sans mal puisqu’il a fallu se structurer avec d’autres priorités dictées par la Nature.

L’exemple le plus éloquent est le rythme de sommeil de notre fils. Il est calé sur la lumière du jour. Depuis tout petit, il se lève à l’aube et se couche avec le soleil. Heureusement qu’on est sous les tropiques et pas en Islande …

Après presque 4 ans avec des temps d’escales moyennes de 3 semaines, nous avons le besoin de nous arrêter et de retrouver le plancher des vaches. Nous sommes au Costa Rica où nous espérons passer l’année. Bien installés dans la Vallée Centrale, nous visitons ce grand petit pays en 4×4 par petites sorties.

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